La fontaine sans fond

La fontaine sans fond

« Ceux qui l’ont sondée n’y ont pas trouvé de fond » C’est ainsi que s’exprime l’abbé Auvé, curé de Parcé-sur-Sarthe, dans une lettre à l’Académie de sciences, au début du XVIIIe siècle. C’est-à-dire que l’on commence à regarder cette source avec d’autres yeux. Ceux qui depuis toujours voyaient cette source bouillonner, voyaient aussi bouillonner leur imagination.

Ainsi, on savait que plusieurs bestiaux étaient tombés dans la fontaine et avaient disparu. Cependant, malgré la mauvaise réputation du lieu, une jeune femme était venue garder sa vache aux abords de la fontaine. L’une se laissait aller à sa rêverie bucolique, l’autre s’approchant de l’eau pour s’abreuver, commença à s’enfoncer dans la terre mouvante de la berge. La jeune femme aperçut sa vache en difficulté et se précipita pour la tirer de là en s’accrochant à sa queue. Malheur ! Elles furent entraînées toutes les deux dans la source infernale et furent aussitôt englouties. Elles ne reparurent point ; les villageois se mirent en vain à leur recherche, trouvèrent les traces du drame et perdirent espoir. Mais voilà que, quelques jours plus tard, on retrouva la vache, la jeune femme au bout de sa queue, au bord de la Sarthe, à Morannes.

Il n’aurait pas fait bon s’approcher de la fontaine la nuit. Chaque soir à minuit, sortait d’on ne sait où, chevauchant une fougueuse monture noire, un cavalier noir, animé d’un noir dessein. en effet, il enlevait les petites filles qui se trouvaient sur son passage.

Mais ce lieu n’était pas néfaste pour tous. Le fermier qui, un jour, qui conduisait son troupeau à bonne distance de la source tant redoutée, vit son attention éveillée par un bruit qu’il qualifia de bruit de friture. Il s’avança prudemment, car la pluie n’avait pas cessé de tomber depuis une semaine. Il fut stupéfait de voir une quantité prodigieuse de poissons grouiller au-dessus du point d’eau. Certains de ces poissons lui étaient inconnus, comme le brochet truité. Il ne manqua pas de venir, après chaque grande pluie, se livrer à une pêche chaque fois miraculeuse.

Dans son inflexible volonté d’étouffer nos rêves, que dirait l’Académie ?

Le ruisseau de la fontaine sans fond se jette dans la Sarthe, quatorze kilomètres plus loin, entre Morannes et Pincé, après avoir traversé les communes de Louailles et Précigné. La fontaine est constituée de trois sources intarissables s’étalant sur une distance de huit mètres. L’eau proviendrait d’un immense lac souterrain et serait à température constante, propice au confort des poissons.

C’est dans la tranquillité des parages de la fontaine que le faux-sauniers venus des lointaines côtes bretonnes, faisaient leur commerce et n’hésitaient pas à occire les témoins gênants. À minuit, il y a peu de chance que ces témoins soient des petites filles… mais il faut bien faire peur aux petits enfants.

Extraits de la Sarthe Insolite et secrète Édition Sutton